Lorsque j'étais toute jeune je vivais mon cycle comme l'alternance binaire entre mes règles et un temps de normalité. J'avais la chance que mes règles ne soient pas trop douloureuses et quant au reste de ma vie - le temps de normalité - je me sentais parfois bien et en phase avec moi même et d'autres fois extrêmement mal, contrariée voire inapte, et cela sans comprendre pourquoi.
D'une nature enthousiaste, je subissais parfois des états d'immense nostalgie sans pouvoir raccrocher cela au moindre événement réel.
D'un appétit naturellement frugal et régulier, j'avais parfois des fringales épouvantables que je n'assumaient pas. Je luttais contre la faim, culpabilisais si je me laissais aller et vivais cela très mal.
Ayant beaucoup d'énergie et étant plutôt sociable, j'étais certains jours complètement à plat, étrangère au monde et à ses attraits ...
C'est en pratiquant le yoga que j'ai commencé doucement à me connecter à mon corps, ressentir ses flux énergétiques, écouter ses sollicitations, accepter qu'il ait ses besoins.
En connectant ce ressenti et mes émotions, et calant tout cela sur mon calendrier, j'ai compris de quelle manière mon cycle modifiait puissamment la nature de mon énergie au fil du mois. Depuis, je mène ma vie en avançant dans le même sens que mes énergies sans plus jamais ramer contre elles.
Faut-il dire que tout est plus fluide et harmonieux dans sa vie lorsque l'on ne se débat pas contre soi ?
Notre cycle menstruel a donc sa logique et nous gagnons à la connaître !
Je propose d'abord de détailler les 4 phases que j'ai identifié. Je les ai nommé au plus près de mon ressenti, sachant que cela est évidemment subjectif. Certaines femmes rapprochent les 4 semaines de leur cycle des 4 saisons, les règles étant l'hiver, la semaine suivante le printemps, etc ...
Phase introspective
L'entrée dans ma phase introspective ne se fait pas toujours dans le confort, c'est parfois après plusieurs jours de symptômes prémenstruels peu joyeux qu'arrivent mes règles. C'est pourquoi lorsqu'elles ne sont pas ou peu douloureuses elles peuvent être vécues comme une trêve, un moment de libération des tensions du mois.
Pendant nos règles nous sommes réellement plongées dans un état de conscience modifié. Des chercheurs ayant étudié les encéphalogrammes de plusieurs femmes durant cette période ont constaté que ceux-ci présentaient plus d'activité lente, c'est à dire d'ondes delta. Les ondes delta diminuent notre conscience du monde physique, elles se manifestent durant le sommeil profond, sous hypnose ou en méditation. C'est un état qui permet une profonde connexion à soi même et une intuition plus aiguë. Il est donc normal de se sentir décalée ces jours ci, si l'on ne peut se soustraire aux choses trépidantes de la vie et il est vain de se battre contre cela.
Les 2 ou 3 premiers jours de mes règles, je ressens vraiment le besoins de me couper du monde et des sollicitations. Si cela est possible je ralentis le rythme, je m'accorde une sieste, je saute un entrainement de karaté, je me couche plus tôt ...
Les règles sont un temps d'élimination, j'ai d'ailleurs observé que j'avais très peu d'appétit cette semaine ; je peux jeuner facilement et sans fatigue ou me nourrir de peu de choses.
Durant cette phase, je me sens globalement planer comme en état de rêve éveillé, retirée du monde. Je suis profondément connectée à moi-même, comme au Vivant in extenso ; à l'infime tumulte de mes cellules comme à l'Univers.
La période est propice aux questionnements, à l'introspection ou au partage intime. Comme ces cellules qui promettaient la Vie et qui sont éliminées, les choses de ma vie qui n'ont plus leur place sont balayées, occupations chronophages et non gratifiantes, relations à bout de souffle ... le ménage se fait naturellement.
Phase conquérante
Lorsque mes règles sont finies, c'est d'abord un grand moment de calme : je suis apaisée et plus légère, tant physiquement qu'émotionnellement.
Mon énergie devient plus disponible, plus tournée vers l'extérieur et je m'éveille : ainsi chaque mois, je redécouvre le monde comme au premier jour. Je suis émerveillée et je me sens infiniment bien, apaisée dans ma vie, en harmonie avec le monde.
La période introspective n'étant jamais stérile, de mes cogitations naissent toujours des projets, des désirs que je me sens maintenant capable de mettre en oeuvre. Je rentre alors dans l'action, facilement, je suis sur le terrain. Plans, démarches, organisation, j'avance à grandes enjambées. Mon esprit est clair, je ne subis pas - ou infiniment moins - mes freins intérieurs, je vais vite.
Physiquement j'ai beaucoup d'énergie, je peux me lâcher au karaté, ajouter des heures de sport à mes journées, des sorties. Je vois du monde avec plaisir et j'ai une forte capacité d'empathie dans mes relations aux autres. A nouveau j'ai plus d'appétit, je suis gourmande même.
Comme mère, c'est une période joyeuse - le plus grand obstacle au bonheur maternel étant souvent simplement l'épuisement : j'ai autant d'énergie que mes enfants et je suis disponible.
Comme femme, je me sens puissante et sans limite.
Si je devais donc synthétiser en 2 mots cette phase, je dirais fluidité et puissance.
Phase rayonnante
Je suis maintenant au milieu de mon cycle et ce sont souvent les douleurs de l'ovulation qui me le rappellent. Il s'agit en réalité de peu de choses, quelques contractions seulement - de 5 à 15 - mais dont certaines peuvent être intenses. Pratiquant l'observation des signes de fertilité comme moyen de contraception (mon article ICI), ressentir mon ovulation est un indice précieux. Je me souviens de mes années d'adolescence où je vivais ces douleurs sans savoir ce qu'elles disaient ... je suis heureuse et fière de ce chemin parcouru qui m'a permis de me connaitre et de vivre maintenant pleinement ce qui me fait femme.
Durant ma phase rayonnante, je suis dans l'accueil, je savoure, je jouis.
A midi de mon cycle, comme un trait d'union entre ciel et terre, je suis ancrée et pleine d'une confiance profonde et naturelle, en moi, en l'avenir et en nous, les femmes.
Je prends mon temps, je suis posée, je me sens belle : c'est la période la plus propice pour tout ce qui a trait à la représentation : entretiens, conférences, concerts ou autres prestations publiques.
Comme mère j'ai une infinie patience et une capacité d'écoute décuplée. Je câline, je protège et choie mes petits. Je suis louve et mes sentiments maternels s'expriment avec chaleur.
Je suis aussi très femme, je suis tendre, tiède, amoureuse.
Phase émotive
C'est par un glissement léger et progressif de ma capacité à gérer mes émotions que j'entre dans ma phase émotive. Celle-ci se caractérise par une immense sensibilité ET immense expressivité.
Telle une peau de tambour, qu'un frôlement suffit à faire vibrer 5 minutes durant, les émotions de la vie résonnent démesurément en moi.
L'envie de prendre du recul commence à poindre, la fatigue aussi. Comme si j'en avais trop vécu, j'aspire à revenir au bercail, à déposer mes valises, à m'occuper de moi.
Cette semaine là, je vis souvent de grands moments de tristesse. Les souvenirs sont plus présents, et les énigmes de mon histoire familiale reviennent me torturer. Mes ancêtres, les disparus, mes fausses couches, mon avortement, tout ce qui est absence s'impose et je ressens ce vide.
Mais la nostalgie est un mal que je connais bien et sais même savourer, alors je me laisse vivre et explorer tout ce qui vient.
Puis d'un coup, c'est l'impression de chaos qui domine : je me sens dépassée par mes émotions et apprécie peu lorsque celles-ci me jouent des tours. Larmes inopportunes ou excès de sincérité malvenu, je sens qu'est venu le moment de me protéger.
Je me rapproche de mes amies et des femmes de ma famille qui me sont précieuses. C'est l'occasion de confidences ou conversations intimes et je me sens fortement connectée à toutes les femmes ; ainsi je vis très douloureusement une attaque que je recevrais de l'une d'entre nous à cette période.
Lorsque ma phase émotive s'achève et à la veille de mes règles, je trouve souvent soulagement dans des mets riches et sucrés qui ne me font jamais envie à part cela.
Mon cycle se partage donc en 4 phases, mais je pourrais aussi, plus synthétiquement, le scinder en 2 périodes.
La première sous l'axe des abscisses (phases émotive et introspective) concentrée vers mon intériorité, le passé, les ancètres, la mort, la profondeur, l'intime, la nuit ... c'est ma période lunaire.
La seconde au dessus de l'axe (phases conquérante et rayonnante) tournée vers le monde, le vivant, la descendance, les projets, la construction, l'expression de soi, le plaisir, la lumière ... c'est ma période solaire.
Depuis des années je note sans jugement ces phénomènes, mes émotions, mes rencontres, mes aspirations et je date. J'ai découvert tant de trésors à côté desquels je serais passée si je n'avais eu vis à vis de moi la bienveillance nécessaire à la compréhension. Je sais maintenant que se connaître est la première voie pour s'ouvrir aux autres et au monde 🌒🌞
En sus, d’un point de vue pratique, analyser et comprendre son cycle permet d’éviter de jouer contre soi et de tirer le meilleur parti des capacités augmentées de chaque phase.
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A très bientôt,
Odile
Cet article est magnifique Odile ! Pour ma part cela m'a pris un temps fou avant de percevoir clairement mes émotions liées à mes cycles ... Quand j'étais plus jeune, je partais du principe qu'il fallait serrer les dents et avancer ... Aujourd'hui je m'écoute davantage. Pour autant je ne vis pas mes cycles dans la sérénité car je suis dans un état émotionnel de grande colère et de très mauvaise humeur les jours avant mes règles. J'espère que cela évoluera plus positivement d'autant plus que je suis entrée dans ce qu'on appelle, de façon charmante, la "préménopause" ... Au sujet du passé et des disparus je rêve souvent de la petite maison de ma grand-mère, il faudrait que je repère ces rêves dans mes cycles ! Comme toi je suis quelqu'un de nostalgique et je mettais ces rêves de "retour à la maison" sur le compte de mes nombreux déménagements et de mon besoin de stabilité. Merci de soulever toutes ces choses Odile ! (Barbara Cassin a écrit un superbe livre sur la nostalgie que j'ai adoré.)
RépondreSupprimerJe vous embrasse !
Emily